Fin 1989, Henri Dutilleux se propose d’écrire une courte pièce afin de doter les prochaines Rencontres musicales d’Évian de ce que l’on appellerait aujourd’hui une « identité sonore ».
Son ami le violoncelliste Mstislav Rostropovitch assure la direction artistique du festival depuis trois ans et l’a hissé au rang des temps les plus attendus de la vie musicale européenne. Le petit hymne que compose Dutilleux prend, en hommage à son ami, la forme d’une fanfare.
Nous sommes 3 ans avant que Patrick Bouchain ne bâtisse la magnifique salle sylvestre qui abrite désormais le festival. C’est donc devant le Théâtre du Casino qui fait face au Lac Léman que se tient la création de l’hymne, dirigée par « Slava » lui-même, pour claironner l’ouverture de la 15e édition des Rencontres. Le correspondant du Monde garde un souvenir mémorable de ce moment, qui n’est pas sans rappeler le passage de Dutilleux dans les rangs du capitaine Claude Laty à la « Musique de l’air » – la formation musicale de l’Armée :
Au balcon du petit Théâtre Antoine-Riboud, quatre trombones, deux percussions et trois piccolos ; au-dessus, devant le fronton néoclassique, deux trompettes ; sur la terrasse du Casino, encore deux trompettes, et sur le pavé, en frac, Mstislav Rostropovitch, maître des cérémonies. Il lève le bras et c’est comme un envol de colombes : une musique gaie, légère, des phrases irisées comme des bulles de savon se répondent d’une plate-forme à l’autre, ponctuées par la caisse claire ou la cymbale ; dans l’air du soir, les notes fuient à tire-d’aile au milieu des hirondelles ; les fifres-piccolos saluent la compagnie en un bref adieu aigrelet et cavalier…
Le Monde, 19 mai 1990
Le compositeur confesse cependant n’avoir pas « pris tout cela trop au sérieux » !
Le 27 mars 1997, la pièce est donnée à Paris dans sa version définitive à l’occasion des 70 ans de Slava, sous la direction de Seiji Ozawa. Les mots d’Henri Dutilleux n’oublient alors rien de la complicité et de la malice qui présidaient à ce « salut fraternel ».