Henri Dutilleux reçoit à 22 ans le 1er Grand Prix de Rome dans la catégorie composition musicale, avec une cantate pour trois voix et grand orchestre imaginée sur un poème d’Élise Vollène, l’Anneau du Roi.
Le Concours de Rome — une institution qui remonte pour la composition à 1803 — est alors une distinction dont la valeur va bien au-delà des (certes non négligeables) trois années de pension à la Villa Médicis qu’elle garantit. Pour preuve : le dimanche 24 juillet 1938, où la ville de Douai qui a abrité les premières classes du compositeur se pare de ses plus beaux atours. Réception sur le quai de la gare sous les accents de la Marseillaise, lâcher de colombes, triomphe en fiacre jusqu’à l’Hôtel de Ville, sans oublier un passage devant l’imprimerie familiale… : elle reçoit en grande pompe son protégé.
Ce concours, Henri Dutilleux s’y est “essayé” les deux années précédentes ; cela lui a valu de se distinguer à 20 ans par un 2e second Grand Prix à l’issue du traditionnel mois d’écriture “en loge” au Château de Fontainebleau. Cette année 1938, lors de l’audition de sa partition réduite au piano le samedi 2 juillet, il a confié le rôle principal, celui du roi Salomon, au grand baryton de l’Opéra-Comique Charles Panzera. La pièce est perçue comme pleine de promesses et le place immédiatement (aux yeux de la critique du moins) dans la lignée de Debussy et Ravel. Elle sera publiée sans attendre par la maison Durand.
“Attendons-le à l’œuvre”, lance le chroniqueur Gustave Samazeuilh à l’adresse du lauréat… qui en raison de la guerre qui gronde n’ira malheureusement passer en tout et pour tout que quelques mois à Rome.
Photographies noir et blanc, archives Dutilleux, avec l’aimable autorisation de la famille Mestre, DR
Gustave Samazeuilh, L’Art Musical, 8/07/1938, cité par P. Gervasoni, 2016, pp. 152-153