En 1946, Henri Dutilleux, 30 ans tout juste, est membre fondateur du Syndicat national des auteurs et des compositeurs. Il tient à adhérer à la fois à la section « compositeur dramatique », « compositeur symphonique » et « compositeur de musique de film ».
Le souci des « relations humaines »
Fondé à la Libération, le Syndicat national des auteurs et des compositeurs (Snac) répond de la volonté de « réunir tous ceux dont le métier est d’écrire ou de composer » par la fusion des cinq organisations chargées jusqu’alors de représenter les différentes branches de ces corps artistiques. S’il n’y est guère actif durant ses premières années d’existence, Henri Dutilleux s’y investit davantage durant la présidence de son ancien maître Henri Busser, qui lui demande en 1954 de représenter le syndicat lors de l’assemblée constitutive du Conseil International des Compositeurs. Dutilleux est donc envoyé à Reykjavic. L’année suivante, il intègre le conseil syndical et participe au groupe d’étude qui se penche sur le fonctionnement de la RTF (Radiodiffusion-télévision française).
Tandis qu’il exerce ses fonctions de directeur du Service des Illustrations musicales de la RTF , Henri Dutilleux est amené à intensifier son engagement syndical, jusqu’à fonder en 1961 le SNSR (Syndicat national du spectacle de radiotélévision, plus tard rebaptisé Syndicat national de radio télévision). Le premier éditorial du bulletin syndical témoigne des convictions du Président-fondateur :
Pour la première fois, des ouvriers professionnels, des speakers, des assistants de production, des délégués artistiques régionaux, des chefs de production, des documentalistes, des dactylos, des secrétaires et des agents d’administration, des assistants de direction, des chefs de section, des preneurs de son, des opérateurs, des musiciens-metteurs en onde, des régisseurs, des réalisateurs, qui ne sont plus séparés les uns des autres par d’invisibles barrières, éprouvent le besoin de se rapprocher, de confronter leurs problèmes personnels, de transformer enfin en relations humaines ce qui jusque-là se bornait à des échanges cordiaux parfaitement marqués d’indifférence. Ils apprennent ainsi à mieux se connaître, et c’est dans cette atmosphère de confiance et de sympathie qu’ont pu être posées les fondations déjà solides et saines de notre syndicat.
Henri Dutilleux, 1er bulletin du Syndicat national du spectacle de radiotélévision, 1961
Élu à la vice-présidence du Snac en 1962 tout en conservant la présidence du syndicat de la radio, Henri Dutilleux occupe donc une place de première ligne dans la corporation des musiciens. C’est ainsi qu’il est choisi pour siéger au sein de la « Commission nationale pour l’étude des problèmes de la musique » constituée à la demande du ministre d’État chargé des Affaires culturelles : André Malraux.
La Commission Malraux
Réunissant des « personnalités de premier plan appartenant au monde de la musique » ladite commission se donne pour objet de « poser le problème de la musique en France sur son plan le plus large, le plus profond et le plus sérieux. » Dans les rangs, Dutilleux retrouve ses aînés Georges Auric, Henry Barraud, Roland-Manuel, ainsi que son camarade Prix de Rome Raymond Gallois-Montbrun. Il hérite pour sa part du sujet brûlant de la création musicale.
Pas question de dirigisme esthétique. Il est fondamental que la pensée de l’artiste de même que les choix de ses moyens d’expression, soient et demeurent entièrement libres. Mais l’État devant de plus en plus remplir le rôle que les mécènes sont de moins en moins nombreux à assumer, et son intervention devant tendre à la mise à disposition du plus grand nombre des moyens d’enrichissement culturel qui étaient naguère le privilège de quelques-uns, il est normal que les voies et moyens de son intervention nécessaire soient normalisés et déterminés en fonction de leur efficacité : somme toute penser une politique de la musique, tel est le but de la commission.
Émile Biasini, directeur du Théâtre, de la Musique et de l’Action culturelle au Ministère des Affaires culturelles, Le Monde, 30-31 déc. 1962
Lors de la lecture de son rapport, en avril 1963, Henri Dutilleux suggèrera à la Commission d’entendre le point de vue de l’un de ses collègues sur la question de la décentralisation lyrique : Marcel Landowski, qui sera nommé directeur de la Musique au Ministère des Affaires culturelles l’année suivante.
Sources : d’après P. Gervasoni (2016), p. 678-699.